Aristide Briand est omniprésent dans la vie politique de la Belle-Epoque et, plus notablement encore, dans l’immédiat avant-guerre. Ministre dès 1906, vice-président du Conseil en 1908, il devient Président du Conseil en 1909. A la tête du gouvernement jusqu’en 1911, il est de tous les projets de réforme de la société française. Il promeut un nouveau modèle d’organisation sociale et collective et, à la suite du vote sur les retraites ouvrières et paysannes (1910), lance le débat sur la participation entre le capital et le travail. Sa « démocratie sociale », quelques années seulement après la naissance des Semaines sociales de France (1904), et qui se veut un modèle du travaillisme britannique, se nourrit de la discussion avec les syndicats, et du projet essentiel de l’arbitrage obligatoire des conflits du travail. C’est ce qu’il tentera d’expliquer lors des grandes grèves de l’automne 1909 à une société française dans laquelle les classes moyennes profitent alors pleinement du modèle républicain.Briand s’attache aussi à réformer la vie politique française en tentant de modifier le mode de scrutin. Il n’imposera cependant la proportionnelle, contre les « mares stagnantes » du scrutin d’arrondissement, que d’une manière partielle.
La guerre approche, et les relations franco-allemandes se tendent, de Tanger à Agadir. Il faut préparer le pays à faire face à un éventuel conflit. Garde des Sceaux en 1912, puis président du Conseil l’année d’après, il est de ceux, autour de Poincaré et Barthou, qui s’attellent à la rédaction et à la délibération de la loi sur l’allongement du service militaire à trois ans. C’est fait, fin 1913.
Quand la guerre éclate, Briand entre au cabinet Viviani, et se rend dans les tranchées dès l’automne plutôt que de rester à Bordeaux où le pouvoir s’est replié. Il dirige, quelques mois plus tard, le gouvernement, à nouveau, à l’automne 1915. Au Quai d’Orsay pour la première fois, il reste dans ses fonctions, durant dix-huit mois, soit un record pour un chef de gouvernement à ce poste, en période de conflit. Il veille alors à réintégrer le Parlement dans le jeu politique, au point de lui faire une place de choix dans la prise de décision, en face notamment du Grand Quartier Général (GQG). La promotion du contrôle parlementaire aux armées en est la conséquence, même s’il est limité ; la mise en place des Comités secrets, en 1916, également. C’est cependant sur le plan stratégique que le nom de Briand est retenu dans le fil ininterrompu de la Guerre. La bataille de Verdun, il la vit au quotidien comme président du Conseil et avoue qu’elle aura forgé sa volonté de construire la paix en Europe, dans les années Vingt. Briand participe également au projet d’élargissement du front oriental de Salonique, décision perçue comme judicieuse. Enfin, la réforme du commandement de guerre lui tient à cœur, et pour que la décision fût la plus efficace possible, il met en place le Comité de guerre, au sein duquel les trois sommets du triangle décisionnel (parlement, pouvoir exécutif et commandement militaire) tirent leur épingle du jeu.
Parce qu’il est convaincu que la guerre ne sera gagnée que par la victoire de la République, il croit aux institutions de la démocratie représentative jusqu’au terme de sa présidence du Conseil, en mars 1917, et en rien ne les considère comme obsolètes. Dans l’esprit de Briand, point de parlement bavard. Dans son esprit, si les parlementaires parlement avant d’agir, ils parlent surtout pour agir. Ribot, puis Painlevé poursuivront la réforme entreprise et Clemenceau saura s’en inspirer, malgré tout, pour aller à la Victoire. Même si, pour des raisons d’inimitié, Briand est écarté des pourparlers de paix par Clemenceau. Briand et le Parlement….. Car si le premier n’en a jamais fait grief au Père la Victoire, votant pour ses cabinets successifs, le second ne lui pardonnera pas, lors de la Présidence de la République en 1920.
Christophe Bellon
[Texte extrait du dossier en ligne consacré à Aristide Briand et reproduit avec l’aimable autorisation de l’Assemblée nationale].