Aristide Briand et les travaux préparatoires en commission (1903-1905)
En juin 1903, une commission parlementaire spéciale de trente-trois membres, chargée d’étudier les propositions de loi relatives à la séparation des Eglises et de l’Etat, est mise en place à la Chambre des députés. Aristide Briand, député de la Loire depuis l’année précédente, est élu rapporteur provisoire (1903) puis rapporteur définitif (1904). Le député de Saint-Etienne est chargé de guider les travaux d’une commission séparatiste à une voix de majorité. Malgré quelques obstacles, venus essentiellement du gallican président du Conseil Emile Combes, les travaux, dirigés dans le consensus et à huis clos, conduisirent au dépôt du rapport parlementaire le 5 mars 1905. Entouré de trois collaborateurs – Léon Parsons, Paul Grunebaum-Ballin et Louis Méjan -, Aristide Briand présenta un travail solide qui allait servir de fondement à la discussion parlementaire.
Briand et la discussion parlementaire
Fort du travail mené en commission, le rapporteur Aristide Briand s’imposa rapidement en séance publique. Du 21 mars au 3 juillet 19 05, il mena les débats comme un avocat d’assises, beaucoup plus soucieux de l’argument que de la cause. Rejetant les thèses de l’extrême gauche comme il réfutait celles de la droite nationaliste, il suscita la formation d’une majorité constructive, en associant ses amis politiques – les socialistes jaurésiens, les alliancistes de centre gauche et l’aile droite des radicaux – au centre droit concordataire. Cette alliance improbable, astringent des aspects réformateurs de la loi – la dévolution des biens d’Eglises notamment (article 4) -, devait son existence autant à l’exceptionnelle éloquence du rapporteur qu’à la dynamique équilibrée de ses arguments : il s’agissait d’assurer la liberté de conscience tout en garantissant le libre exercice des cultes. Le 3 juillet, la loi fut adoptée par la Chambre par 341 voix contre 233. Le 6 décembre 19 05, le Sénat vota sans modifications le texte transmis, par 181 voix contre 102. La loi fut promulguée trois jours plus tard.
Aristide Briand et l’application de la loi (1906-1911)
La légitimité acquise par son rôle de rapporteur permit à Briand de prendre en charge le ministère des Cultes, de 1906 à 1911. Appelé au Gouvernement pour assurer l’application de la loi, il fut confronté d’emblée aux inventaires des biens d’Eglises qui bloquèrent la dévolution de ces derniers aux associations cultuelles. Devant l’intransigeance du Pape Pie X, qui condamna la Séparation et ses adaptations, le nouveau ministre des Cultes, dut dès lors amender trois fois la loi de 1905 : la loi du 2 janvier 19 07 proposait un fondement à l’exercice public du culte, qui pourrait fonctionner sans associations cultuelles ; la loi du 28 mars 19 07 assurait le fonctionnement du culte, sans associations cultuelles et sans déclaration préalable ; la loi du 13 avril 19 08 apportait une solution au contentieux de la dévolution des biens. A chaque étape, comme dans la discussion parlementaire, « c’est la solution libérale qui fut la plus conforme à la pensée du législateur » et qui triompha.
Christophe BELLON